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L’apprentissage expérientiel : définition, avantages, principes, et modèles

apprentissage expérientiel

L’apprentissage expérientiel, ou l’apprentissage par l’expérience est un modèle d’enseignement inspiré du courant socioconstructiviste, en s’appuyant sur le modèle de Kolb et sur la perspective de Boud. Le concept d’apprentissage expérientiel prend de l’importance à la fin des années 1960.

Qu’est-ce que l’apprentissage expérientiel ?

L’apprentissage expérientiel, ou apprentissage par l’expérience, n’est pas une approche nouvelle en éducation. Dewey (1933, 1938), Lewin (1951) et Piaget (1938), qui font explicitement référence à cette approche dans leurs travaux, auront fortement influencé Kolb (1984), l’auteur certainement le plus cité lorsqu’il est question d’apprentissage expérientiel (Chevrier et Charbonneau, 2000).

Plusieurs chercheurs se sont intéressés à l’apprentissage expérientiel (Balleux, 2000). Certains ont traité de l’apprentissage expérientiel dans le cadre scolaire ; d’autres, à l’extérieur de la classe. Dans le cadre scolaire, l’apprentissage expérientiel est présent en classe, en laboratoire et en stage, et ce, du primaire à l’université.

Plusieurs travaux ont porté sur le rôle que jouent, en dehors de la classe, les activités sportives, de plein air, de bénévolat ou de travail chez les jeunes comme chez les adultes (Beard et Wilson, 2006). Dans les années 1970, des chercheurs (Knowles, 1970, et Torbert, 1972, cites dans Balleux, 2000) soutiennent que l’expérience est le point de départ du processus ; il est alors question ≪ d’apprendre à partir de l’expérience ≫.

Les modèles de l’apprentissage expérientiel

 Les modèles en quatre étapes de Kolb (1984) et de Coleman (1976) illustrent cette idée. Par contre, d’autres chercheurs avancent plutôt l’idée que l’expérience survient à différents moments du processus ou encore qu’elle intervient tout au long du processus.

Bien que des révisions aient été apportées au modèle de Kolb (1984) par plusieurs auteurs, les caractéristiques suivantes sont généralement attribuées à l’apprentissage expérientiel :

  • L’apprentissage expérientiel est centré sur la personne ;
  • Il résulte d’une démarche inductive dont l’expérience est le point de départ ;
  • Il s’intéresse au processus d’apprentissage ainsi qu’au produit de cet apprentissage.

La définition suivante de l’apprentissage expérientiel :

Une démarche de connaissances lucide, continue et progressive, qui associe étroitement la réflexion et l’action en faisant d’eux des partenaires tout à fait indissociables. L’action nourrit la réflexion et la réflexion guide l’action.

Il faut rappeler ici que, dans les modèles de l’apprentissage expérientiel réfère à l’expérience et n’implique pas nécessairement le recours à l’expérimentation scientifique. Il peut s’agir de l’expérience vécue par une personne en lien avec une autre personne, un objet, un évènement, une situation ou un phénomène.

Les principes de l’apprentissage par l’expérience

Il y a deux principes fondamentaux qui guident l’apprentissage expérientiel : le principe de continuité et le principe d’interaction..

Le principe de continuité

Le premier, le principe de continuité, réfère à l’idée que l’expérience présente s’appuie sur les expériences antérieures et modifie les expériences futures. Il existe en quelque sorte un continuum d’expériences. Par exemple, un enseignant fait une promenade en forêt avec des élèves issus d’un milieu urbain, dans le but de les amener à voir les conséquences que la déforestation peut avoir sur chacun d’eux.

Les élèves percevront cette expérience à partir de leur propre vécu. Certains auront, par exemple, été sensibilisés à l’importance de cet enjeu à la télévision. Pour ceux-là, l’expérience proposée aura pour effet de renforcer leur intérêt pour ce sujet, qui pourra se manifester par des actions concrètes, comme participer à la plantation d’arbres en ville. On voit ici la continuité de l’expérience antérieure, présente et future.

Le principe d’interaction

Le second principe, le principe d’interaction, correspond à l’idée que la personne est principalement un ≪être-en relation≫, un organisme en interaction avec et dans un environnement physique et biologique ou, plus spécifiquement, humain, social et culturel.

L’expérience est donc toujours relationnelle. Ainsi, toute expérience résulte de l’interaction entre la subjectivité de la personne qui vit l’expérience et les conditions objectives de l’environnement dans lequel a lieu cette expérience. Par exemple, des élèves dont le gagne-pain familial provient de la coupe du bois font la même expérience de promenade en forêt.

Dans ce cas, les élèves vivent cette expérience, subjectivement et objectivement, de manière très différente que des élèves qui demeurent en ville et dont le gagne-pain familial ne provient pas de la forêt.

En lien avec les deux grands principes de continuité et d’interaction, l’expérience a également un caractère cumulatif et évolutif, car chaque expérience devrait contribuer à préparer un élève à des expériences futures plus poussées et plus profitables. Ainsi, l’élève qui a endossé l’enjeu de la déforestation urbaine et participe à la plantation d’arbres en ville est possiblement plus sensible à d’autres problèmes environnementaux.

Le troisième principe

Le troisième principe, stipule que le l’en entre la réflexion et l’expérience est au cœur de l’apprentissage expérientiel, est indéniable.

Ainsi il est nécessaire de réfléchir à ses expériences pour apprendre et trouver des réponses à ses questions. Selon Boud, Keogh et Walker, les enseignants considèrent souvent que les élèves réfléchissent naturellement à leurs expériences. Or, selon ces chercheurs, la dimension de l’apprentissage expérientiel qui est le plus difficile pour les élèves est la réflexion.

Ils ajoutent que la réflexion est un processus intentionnel et actif d’exploration et de découverte et que, par conséquent, elle s’exerce volontairement. Si ces chercheurs sont convaincus de l’importance de prendre en compte l’expérience des élèves et de leur donner l’occasion de s’engager activement dans leurs apprentissages par la réflexion, ils admettent qu’il est souvent nécessaire de les encadrer pour qu’un apprentissage ait lieu.

Les avantages de l’apprentissage expérientiel

L’enseignant recourt à l’apprentissage expérientiel lorsqu’il veut permettre aux élèves d’intégrer leurs savoirs cognitifs et affectifs ou leurs savoirs théoriques et pratiques, et favoriser l’émergence de leur intuition et le développement de leur capacité réflexive.

 En fait, il est recommandé d’avoir recours à l’apprentissage expérientiel chaque fois que l’expérience sera plus valable pour l’apprentissage que les exposés magistraux et les démonstrations de l’enseignant.

Par exemple, n’est-il pas préférable de faire une promenade en forêt pour se sensibiliser à certains aspects de l’environnement et en apprendre sur le sujet de la pollution que d’obtenir uniquement cette information lors d’un expose magistral ?

Comment l’intégrer à sa pratique ?

Kolb affirme que l’apprenant doit développer quatre habiletés, chacune d’entre elles correspondant à l’une des quatre phases de son modèle de l’apprentissage expérientiel : l’habileté à vivre une expérience concrète, l’habileté à observer et à analyser de façon réflexive, l’habileté à abstraire des concepts d’une situation et l’habileté à les réinvestir de façon active dans des situations nouvelles.

Les quatre phases de l’apprentissage expérientiel

Phase 1 : expérience concrète

L’élève s’approprie l’expérience concrète et tente de la relier à ses expériences antérieures. L’expérience peut être immédiate, avoir été vécue dans le passé par l’élève ou par d’autres personnes. Pour qu’il soit interpellé, l’élève doit s’intéresser personnellement à l’expérience et s’engager à la vivre individuellement ou en groupe.

Phase 2 : observation réfléchie

L’élève retient un certain nombre d’observations, d’éléments d’information et d’émotions qui l’amènent à réfléchir à l’expérience et à la décrire. Il doit relier ses observations à ses acquis antérieurs (ce qui est semblable et ce qui est différent) et prendre en compte différentes sources (témoignages, conférences, lectures, reportages, banques de données, etc.). Au cours de cette phase ainsi qu’à toutes les autres phases du cycle d’apprentissage, l’élève est en mode réflexif.

Plusieurs outils sont suggérés pour soutenir la réflexion. On peut recourir à l’échange verbal ou à l’écriture. Bruner (1971) et Luria et Yudovich (1971) sont de l’avis que l’écriture offre à l’individu une occasion intéressante de réfléchir à son expérience et de la revoir, car les mots écrits sont liés au contexte linguistique plutôt qu’a l’objet qu’ils représentent ou à l’interlocuteur à qui ils s’adressent.

L’écriture donc a l’individu toute la liberté nécessaire pour reformuler l’expérience de la réalité, la réexaminer et la remettre en question, lui permet de mieux la comprendre et de la dépasser.

 Plusieurs auteurs recommandent que les élèves, peu importe leur ordre d’enseignement, tiennent un journal de bord, ce qui favorisera leur réflexion au cours de leur expérience.

Phase 3 : conceptualisation abstraite

En réfléchissant, l’élève établit des liens entre l’expérience et le sens il a donné à l’expérience, puis il élabore un concept, un modèle explicatif formule une hypothèse et considère les conséquences ou les enjeux des conclusions auxquelles il est arrivé.

Phase 4 : expérimentation active

Lors de la quatrième phase, l’élève valide ou invalide une hypothèse.

Il confirme ou infirme l’explication qu’il a retenue. La validation doit être faite avec rigueur et honnêteté. Ce qui est confirmé ou infirme constitue dès lors un savoir qui peut être réutilisé dans le cadre de nouvelles expériences.

Boud, Keogh et Walker (1985) abordent l’apprentissage expérientiel en mettant l’accent sur l’importance de réfléchir durant tout le cycle d’apprentissage, pas seulement durant la deuxième phase du cycle.

L’élève est invité à réfléchir tout au long de son expérience, c’est-à-dire lors des différentes phases qui composent l’expérience :

  • Au début, pour anticiper l’expérience ;
  • Pendant, pour gérer les éléments d’information reçus et les stimuli ainsi que pour comprendre les émotions et les sentiments qui influencent la perception qu’il a de son apprentissage ;
  • Après, pour consolider l’apprentissage, c’est-à-dire assimiler les nouveaux concepts et l’explication retenue et envisager les enjeux des conclusions qu’il a tirées.

DES EXEMPLES D’UTILISATION DE L’APPRENTISSAGE EXPÉRIENTIEL

À l’éducation préscolaire.

Objectif : construire un moulin à vent.

Alors qu’ils étudient la thématique du vent, deux élèves construisent un moulin à vent en argile. Lorsqu’il est terminé, ils le placent sur le bord de la fenêtre pour le faire sécher.

Au retour de la fin de semaine, ils constatent avec désarroi, que leur moulin à vent s’est brisé en séchant ils observent les fissures et les morceaux d’argile sèches et craques ils se questionnent sur la cause de cet échec.

Ils fouillent dans les livres et découvrent sur une image une création en argile recouverte d’un linge mouillé. Ensuite, ils concluent que l’argile doit sécher en étant recouverte.

Enfin, les élèves décident de recommencer et de couvrir leur moulin pour le faire sécher.

Au 3e cycle du primaire, science et technologie.

Objectif : déterminer des moyens de réduire les polluants les plus répandus dans le quartier.

Lors d’une visite dans le quartier, l’enseignant invite les élèves à nommer des substances toxiques polluant l’air, le sol et l’eau autour d’eux. Il leur demande ensuite de former trois équipes, de mettre en commun leurs résultats et de comparer leurs observations (ces substances polluent-elles vraiment ?), tout en partageant leurs inquiétudes en ce qui concerne cette situation.

 Les élèves amorcent ensuite une discussion sur les moyens de réduire ces sources de pollution. Une recherche leur permettra de vérifier l’efficacité des moyens identifiés. L’enseignant incite les élèves à organiser une activité visant à faire prendre conscience aux gens du quartier de la présence de ces substances toxiques et des moyens pouvant les réduire.

Au secondaire, en univers social (sciences humaines).

Objectif : reconnaitre l’impact de la publicité visuelle et auditive sur son mode de vie.

L’enseignant demande à chacun des élèves de prendre en note les annonces publicitaires qui l’interpellent le plus. Il les décrit et réfléchit sur l’impact qu’elles ont sur ses pensées, ses décisions et son image. En équipes de trois ou de quatre personnes, les élèves sont invités à partager leurs constats. Enfin, il tire des conclusions sur les effets positifs et négatifs de la publicité.

Chaque équipe conçoit un sondage qu’elle mènera auprès des élèves de l’école, des membres de la famille ou des amis. Ce sondage permettra de vérifier si les constats sur la publicité sont partagés par d’autres que soi. Et si la publicité a les mêmes effets chez d’autres personnes.

Au collégial ou à l’université

Objectif : établir des liens entre la théorie et la pratique (en stage).

L’enseignant propose aux étudiants de tenir un journal de bord lors de leurs stages en milieu de travail. Chaque semaine, l’étudiant écrit au sujet des situations qui lui ont plu, qui l’ont trouble, qui l’ont déstabilisé, etc.

Il décrit d’abord la situation dans le journal de bord. Ensuite, il procède à son analyse. Il donne les raisons qui ont fait en sorte qu’il l’a vécue de telle manière. L’étudiant met alors en relation son vécu avec ses expériences antérieures, l’expérience des autres et la théorie vue en classe. L’enseignant fait des commentaires dans le journal, permettant ainsi à l’étudiant d’aller plus loin dans sa démarche réflexive.

L’étudiant tente finalement de dégager des leçons de son expérience. Le but est de réinvestir ce qu’il a appris lors d’expériences semblables au cours du même stage ou lors d’un autre stage.

Sources:

  • Carole Raby et Sylvie Viola , V E R S DES P R A T IQ U E S D ‘ E N S E I G N EME N T. Modèles d’enseignement et théories d’apprentissage; Pour diversifier son enseignement, Les Editions CEC inc. 2016
  • Côté, R. L. (1998). Apprendre, formation expérientielle stratégique. Sainte-Foy, Québec: Presses de l’Université du Québec.
  • Honey, P. et Mumford, A. (1986). Using your learning styles. Maidenhead, UK: Peter Honey.
  • Kolb, D.A. (1976). The Learning Style Inventory: Technical Manual. McBer & Co, Boston, MA.

1 Comment

  • y a-t-il une différence entre l’apprentissage expérientiel et la pratique réflexive? Sont-elles deux compétences différentes ou elles renvoient au même concept?

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