Méthodes et stratégies

En classe avec Montessori : Activités d’apprentissage ludiques

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La méthode élaborée par Maria Montessori était bien plus ambitieuse. Son objectif n’est alors rien moins qu’une « éducation pour la vie ». En évoluant de la naissance à l’âge adulte, l’enfant se transforme progressivement sous l’influence des lois biologiques qui gouvernent son développement. Ce parcours n’est pas uniforme : il traverse des périodes particulières qui font appel à des talents spécifiques qu’il possède sous forme embryonnaire. Il importe que lors de ces périodes l’enfant soit soutenu et stimulé par un environnement et un encadrement approprié. Organiser ce soutien et cette stimulation constitue le cœur de la démarche Montessori. Nous présentons dans cet article des activités « en classe avec Montessori »:

Le principe d’éducation cosmique implique la notion de transdisciplinarité. Quand les enfants se lancent dans un projet, ils abordent le langage, la géographie, l’histoire, les mathématiques…

Lorsqu’on découpe les apprentissages en petites portions indépendantes les unes des autres, on ne rend pas service à l’enfant. On y gagne en clarté pour l’adulte, mais on empêche des connexions de se faire. Cependant, sur les étagères, on classifie le matériel par discipline, dans différentes aires : mathématiques, géométrie, langage, géographie, biologie, histoire, arts plastiques, musique, afin de proposer un environnement ordonné.

Maria Montessori : biographie

Maria Montessori voit le jour le 30 août 1870, à Chiaravalle, petite ville située dans la province d’Ancône, en Italie. Elle est la fille unique d’un père assez austère, militaire de carrière devenu fonctionnaire, et d’une mère très instruite, ce qui était rare à l’époque, issue d’une famille de chercheurs scientifiques. Ses parents, soucieux que leur fille reçoive une bonne instruction, décident d’emménager à Rome.

Une des premières femmes médecins d’Europe

Maria suit des études de médecine contre la volonté de tous, celles-ci étant à l’époque réservées aux hommes. Elle doit lutter pour obtenir des autorisations exceptionnelles. C’est un véritable parcours du combattant, mais elle fait preuve de ténacité et de courage. Il lui arrive même de disséquer seule, le soir après les cours, car on trouve alors qu’il est indécent qu’une jeune femme le fasse en présence d’étudiants masculins ! En 1897, elle est l’une des premières femmes à obtenir le diplôme de médecine en Europe.

Elle poursuit des études de biologie, de psychologie et de philosophie entre la France, l’Angleterre et l’Italie. Ensuite, elle travaille à la clinique psychiatrique de Rome auprès d’enfants mentalement handicapés. Elle considère que ceux-ci ont plus besoin d’une aide pédagogique que médicale. Un institut d’orthophrénie (art de développer les facultés intellectuelles) est alors créé par l’État et confié à Maria Montessori. Maria Montessori s’y occupe, avec le docteur Montessano, d’enfants ayant des déficiences cognitives et des handicaps mentaux. Elle les observe inlassablement et se consacre à leur développement. Elle souhaite qu’ils soient davantage respectés, stimulés et par conséquent plus actifs et sûrs d’eux. Cette éducatrice défend leurs droits et leur dignité lors de nombreuses conférences.

Montessori s’inspire alors des travaux de deux médecins français du XIX e siècle, Jean Itard 1 et son disciple Édouard Seguin 2 . Itard est connu pour avoir aidé le célèbre Victor, enfant sauvage de l’Aveyron qui avait été retrouvé vers l’âge de dix ans dans une forêt, vivant comme un animal, sans avoir acquis les caractéristiques de l’espèce humaine à cause de sa solitude. Son histoire a inspiré François Truffaut en 1969 pour le célèbre film L’Enfant sauvage .

Quant à Seguin, il a créé un matériel pédagogique destiné aux enfants déficients. C’est de ce matériel que s’inspire Maria Montessori pour travailler avec les enfants porteurs de handicaps. Il s’avère que leurs progrès sont impressionnants, notamment dans les domaines de l’écriture et de la lecture. Certains se présentent même aux examens de fin d’études primaires et obtiennent d’excellents résultats. Ce succès est pour elle une révélation. Elle décide alors de chercher ce qui peut entraver le bon développement des enfants sans handicap et souhaite leur proposer le matériel pédagogique qu’elle a élaboré en l’adaptant. Une occasion va bientôt se présenter…

Mathématiques avec Montessori

Le programme de mathématiques proposé aux enfants de 6 à 12 ans est dans la continuité de celui des enfants de 3 à 6 ans. Par ailleurs, une partie du matériel de mathématiques aujourd’hui utilisé en classe 3-6 était originellement conçue pour la classe élémentaire, mais les jeunes enfants se sont montrés parfaitement capables de s’en servir, le matériel a donc été placé aussi dans la classe 3-6.

Certaines activités sont par conséquent présentes dans les deux classes. Il y a de ce fait une grande cohérence didactique entre toutes les activités Montessori de mathématiques. L’enfant qui arrive en classe élémentaire retrouve des outils qui lui sont familiers comme les barres de perles de 1 à 10, codées avec les mêmes couleurs (rouge pour le 1, vert pour le 2, rose pour le 3, jaune pour le 4, bleu clair pour le 5, violet pour le 6, blanc pour le 7, marron pour le 8, bleu foncé pour le 9, doré pour le 10) ; ces couleurs sont aléatoires, mais ce qui compte c’est qu’il y ait une continuité, une cohérence.

 De la même manière, les ordres de grandeur (unités, dizaines, centaines) conservent le même code couleur dans toutes les activités (vert, bleu et rouge). La familiarité de l’enfant avec le matériel qu’il manipule depuis plusieurs années offre un précieux support au développement de son raisonnement. Par exemple, un matériel sensoriel comme le cube du trinôme, qui était déjà présent en classe 3-6 et utilisé comme un puzzle en trois dimensions, devient le support qui permet d’abstraire (a + b) et l’extraction de la racine cubique.

Le matériel utilisé

Le matériel illustre différents concepts, fournissant à l’enfant toute une gamme d’outils pour multiplier les portes d’entrée vers l’abstraction. Toute notre approche des mathématiques repose sur une démarche qui vise à construire chez l’enfant la capacité d’abstraction.

Cela se fait grâce à la manipulation d’une série de matériels, très concrets dans un premier temps et progressivement de plus en plus abstraits. Les avantages sont multiples :

  • L’enfant bâtit sa propre compréhension par l’expérimentation. Il n’est pas en train de s’adonner à une mémorisation passive mais à une démarche de découverte personnelle et ludique. L’enfant s’approprie des techniques : il les découvre et les utilise avec fierté et plaisir.
  • L’enfant s’exerce avant de maîtriser. Quand on utilise une technique opératoire mémorisée, l’erreur est difficilement didactique, si on rate une étape parce qu’on n’a pas compris ce que l’on faisait, il est impossible de s’en rendre compte. On peut s’entraîner et maîtriser toutes sortes de techniques sans jamais les comprendre ; c’est souvent le cas des enfants et des adultes ayant appris des formules par cœur sans pour autant comprendre leur raison d’être.

Grâce au matériel proposé dans les classes Montessori, l’enfant avance pas à pas, expérimentant, tâtonnant, construisant sa compréhension au fil de sa pratique. Certains enfants ont besoin de rester longtemps au stade concret, d’autres passent rapidement cette étape. Ce n’est un souci ni dans un cas ni dans l’autre.

  • L’utilisation de matériel permet d’accéder aux concepts même quand l’enfant n’a pas encore mémorisé ses tables. Par exemple, un enfant qui ne connaît pas ses tables de multiplication peut quand même appréhender la multiplication posée, en comptant le nombre de perles qu’il y a dans 6 barres de 7, même s’il ne connaît pas la valeur de 6 X 7.
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Réussir en maths avec Montessori

L’apprentissage fait de la sorte, en se basant sur du matériel, est à la fois plus long et plus rapide. Il est plus long parce qu’on ne donne pas « le truc », l’enfant prend son temps pour le trouver et bâtir lui-même son savoir. La dizaine de leçons pour aborder la multiplication peut sembler un luxe superflu : on pourrait lui donner l’algorithme beaucoup plus vite. Mais il est plus rapide à retenir une fois que l’enfant l’a compris de lui-même, parce que cette maîtrise ainsi acquise est plus durable, et que l’utilisation de matériel concret permet d’aborder des notions complexes de façon précoce, ce qui donne le temps à l’enfant de les approfondir.

Le matériel de mathématiques est rarement autocorrectif, et on apprend aux enfants à vérifier leur propre travail, ce qui est souvent une source d’exercices supplémentaire. L’adulte n’est pas la source du contrôle, et ne corrige pas le travail des enfants. C’est à eux de le faire, le rôle de l’adulte se limite à s’assurer qu’ils ont effectué cette vérification. De la même manière, l’adulte ne donne pas les exercices. L’enfant est fortement encouragé à fabriquer ses propres problèmes, puis à les poser aux autres enfants.

Cet élément paraît anodin, mais il change beaucoup de choses dans la relation de l’enfant à son travail. Ce n’est plus une tâche qui vient de l’extérieur qu’il faut terminer pour s’en débarrasser. C’est une aventure qu’il vit, dont il fixe les limites. Quand l’enfant choisit ses propres divisions, il sait qu’il n’en aura jamais « fini » avec les divisions. Le vrai marqueur n’est plus « j’ai fait les opérations que l’adulte me demandait », mais « est-ce que maintenant j’y arrive sans fautes ? » C’est bien plus motivant.

Etude de la langue : Montessori

La formation Montessori étant internationale, on utilise le terme « langage » plutôt que « français », « anglais » ou « tamoul ». De plus, le travail que l’on propose aux enfants n’est pas seulement de maîtriser une langue, mais aussi de développer leur capacité à maîtriser le langage.

Les êtres humains sont biologiquement destinés à apprendre à parler et à communiquer. Ils le font en fonction de la langue qui est parlée autour d’eux. Un des aspects les plus importants de cet apprentissage instinctif, c’est la classification par l’enfant de « ce qui se dit » et de « ce qui ne se dit pas », ce qu’on peut appeler « l’intuition de justesse ».

C’est un des éléments qui rend l’apprentissage d’une langue étrangère si difficile : les locuteurs qui apprennent le français ont de la difficulté pour savoir si un nom est féminin ou masculin, alors que les enfants de quatre ans le savent si facilement. Il est intéressant de noter que sur cet exemple particulier, certains noms rares sont régulièrement mal genrés (tentacule, haltère, oasis, orbite, etc.) et que cette erreur se transmet : plus on fait la faute, plus les enfants l’absorbent, jusqu’à ce que l’usage l’emporte et que cela cesse d’être une faute. On développe le vocabulaire, la richesse des tournures grammaticales, mais on s’appuie toujours sur cette intuition de justesse.

Dans la plupart des pédagogies, on regroupe ensemble sous le terme de « français » deux activités assez différentes, bien que complémentaires. D’un côté : la lecture, l’écriture, la capacité à comprendre le français (en général écrit) et à s’exprimer selon différents registres de langue, et de l’autre : la grammaire et l’orthographe (ORL pour observation réfléchie de la langue dans l’Éducation nationale). L’objectif de ce travail grammatical est d’améliorer l’orthographe et la qualité des écrits.

Montessori : apprentissage du français

Dans la plupart des langues, il y a des marqueurs de classes sociales. La façon dont on écrit, dont on parle, nous place immédiatement sur l’échelle de la société. En Inde, en quelques phrases, il est possible de connaître votre caste. L’accent en anglais est très déterminant à l’oral, pour juger du niveau social de quelqu’un.

À l’écrit, c’est la même chose. Les langues idéographiques, comme le japonais ou le chinois, accordent une énorme importance à la calligraphie, alors que les Européens s’y intéressent beaucoup moins et sont parfois très peu lisibles. Pour les Français, l’un des marqueurs les plus forts, c’est l’orthographe. Les fautes d’orthographe sont mal tolérées.

Il est important de relativiser tous ces éléments et de ne pas se limiter à ces signes apparents pour juger de la qualité d’une personne ou de son travail. En revanche, il est important d’y préparer les enfants, de les avertir et de les inciter à s’entraîner. Pour l’orthographe par exemple, on instaure une culture de classe dans laquelle l’enfant lit et écrit beaucoup, ce qui sur le long terme est très bon pour son orthographe. Dans un journal de bord, des recherches, des comptes rendus d’expérience, des lettres de prise de contact avec des intervenants extérieurs et des messages de remerciement, des recettes de cuisine, des pièces de théâtre, des chansons et des poèmes…

Les opportunités pour l’enfant de lire et d’écrire, pour lui et pour les autres, sont multiples. Lorsqu’un texte s’adresse aux autres, nous signalons que l’orthographe est une politesse du discours et l’aidons à l’améliorer. Idéalement, ce travail d’édition et de correction doit être confié aux enfants de la classe plus âgés. Ils s’organisent pour aider les plus jeunes.

La lecture

On favorise aussi des habitudes de lecture. Par exemple, des textes documentaires pour les recherches, des œuvres classiques, des lectures offertes aux autres, des lectures plaisir, des brochures informatives, des articles de journaux… Car plus on lit, mieux on écrit sans souci d’orthographe.

En parallèle, le matériel de langage donne aux enfants les moyens d’explorer avec curiosité leur propre langue. On suit une progression logique dans l’étude des mots et la façon dont ils sont construits (préfixes, suffixes, mots composés). On utilise pour cela un ensemble de matériels appelé « les boîtes de grammaire ». Ils servent à découvrir la nature des mots (noms, articles, verbes, adjectifs) de façon ludique et non systématique. Puis on aborde l’analyse de la phrase et la fonction des mots.

La première phase du travail est un temps d’exploration. Les enfants découvrent par eux-mêmes les particularités de la langue, et s’interrogent sur son fonctionnement et ses arcanes. C’est dans un deuxième temps qu’un travail d’analyse et de classement plus systématique a lieu. On aide les enfants à extraire les règles, repérer les régularités et trier les exceptions.

La conjugaison, la grammaire…

L’étude de la conjugaison procède de la même manière. Un matériel concret à base d’actions, de cartes, de symboles et de codes couleur permet une approche intuitive qui, en temps et en heure, se transforme en une étude approfondie des règles.

Tous les enfants ne se passionnent pas pour la grammaire. Certains enfants deviennent de brillants experts en imparfait du subjonctif, alors que d’autres le connaissent sans développer une compétence experte. Mais tous acquièrent une familiarité avec le français. C’est à dire, un rapport de plaisir et de convivialité avec leur propre langue, et les clés pour aller chercher les réponses à leurs questions.

Pour certains enfants, l’écrit est bien plus difficile que l’oral. Et il ne faut pas survaloriser une forme plutôt que l’autre. Il est important de donner une grande place à l’oralité dans la classe. Ce qui est une tendance naturelle chez la plupart des enfants. Ce sont des êtres de parole, et nous pouvons les aider à mettre en valeur cette parole. Le théâtre, les discours, la poésie, la prise de parole en public sont des compétences favorisées dans les classes Montessori.

Notre système éducatif classique, et de grands pans de notre société, attache une énorme importance à l’écrit.

Nous devons donner aux enfants pour qui ce n’est pas le point fort l’occasion de prouver leur valeur et leur intelligence, d’exprimer leur avis et de montrer leur compréhension à l’oral, avec éloquence et clarté. Ce qui n’exclut pas de les inviter à parfaire leur maîtrise de l’écrit, qui est tout aussi essentielle.

Conclusion

La proposition pédagogique de Maria Montessori pour les enfants est une éducation à l’univers, qu’elle appelle l’éducation cosmique. Celle-ci découle d’une conception holistique de l’enfant, constructeur de l’homme, et d’une vision de l’univers selon laquelle tout est interdépendant. Tout élément a un rôle à jouer au service de l’ensemble.

Concrètement, cette approche se transmet grâce à un environnement préparé. Les enfants apprennent souvent sous forme imagée grâce aux grandes histoires. Ils font des travaux interdisciplinaires grâce à des projets et à des sorties. Leur travail est collaboratif et s’organise sans emploi du temps et sans notes. Ils font régulièrement un bilan personnel en s’autoévaluant et en échangeant avec l’éducateur.

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