Apprentissage

Les 3 outils de l’évaluation de la lecture au primaire

évaluation lecture primaire

Vous enseignez au primaire et, au cours de l’année, un nouvel élève arrive dans votre classe. Cependant, vous vous demandez quel est le niveau d’habileté générale de cet enfant en lecture et comment faire une évaluation de la lecture au primaire. Vous vous demandez s’il a acquis des automatismes dans l’utilisation de stratégies pour lire des mots nouveaux, si c’est un lecteur qui cherche à comprendre son texte ou qui se préoccupe surtout de déchiffrer avec précision ?

En plus, vous ne pourrez répondre à toutes ces questions en vous fondant sur les résultats d’un seul test et vous devrez recourir à une évaluation répétée dans plusieurs circonstances. Le premier critère qui guidera le choix du type d’évaluation sera l’objectif visé. Si vous ne savez pas exactement à quoi serviront les résultats de l’évaluation, il est préférable de vous abstenir. Demandez-vous toujours avant une évaluation : « Pourquoi est-il nécessaire d’évaluer cet enfant ? Quelle sera l’utilité des résultats ? »

Quels sont donc les outils à la disposition de l’enseignant qui veut évaluer ses élèves, que ce soit pour dépister ceux qui ont besoin d’aide, pour déterminer plus précisément quelles sont les forces et les faiblesses d’un enfant ou quels sont les progrès accomplis par la classe ?

Les outils de l’évaluation de la lecture au primaire

LES TESTS NORMALISÉS

Les tests normalisés fournissent un critère de comparaison qui permet de juger le rendement des enfants par rapport au rendement d’autres enfants de même âge ou de même niveau scolaire. Ces tests se caractérisent par une variété de questions qui touchent plusieurs habiletés. Ils ont comme objectif de déterminer quels sont les enfants dont la performance générale est nettement inférieure à celle du groupe. En partant de ces résultats, on émet l’hypothèse que ces enfants auront besoin d’aide.

Ces tests sont donc utiles en ce qui a trait au dépistage. Mais ils ne permettent pas de déterminer pourquoi un enfant ne réussit pas en lecture. Et ils ne peuvent servir de guide dans le choix des stratégies d’enseignement. Avec le temps, on s’est rendu compte que la donnée la plus fiable fournie par ces tests est la prédiction du rendement des élèves lors de tests de même type subis ultérieurement.

Il y a de fortes chances, par exemple, que les résultats d’un enfant de cinquième année soient assez semblables aux résultats que celui-ci a obtenus en deuxième année lors de tests normatifs similaires.

Si l’on décide d’utiliser un test normatif pour tracer un portrait global de la classe, ce qui est une utilisation appropriée, il faut tenir compte de deux variables importantes dans la sélection du test : l’origine de la normalisation et la conception de la lecture de l’auteur du test.

Pour normaliser un test, il faut d’abord le faire subir à un large échantillon d’élèves. Ensuite, il faut établir des normes à partir des résultats. Lors du choix d’un test, il est donc primordial de s’assurer que la population qui a servi à la normalisation se rapproche de la population d’enfants que l’on veut évaluer.

Il va sans dire que tous les tests normalisés en Europe ne peuvent être utilisés au Québec. De surcroît, on sait que les normes établies pour un test, quel qu’il soit, sont sans valeur après cinq ans à cause des changements rapides qui se produisent dans les populations.

En choisissant un test, il faut également s’assurer que l’on accepte la conception de la lecture prônée par l’auteur du test. En effet, acheter un test, ce n’est pas seulement se doter d’un instrument de mesure, c’est aussi faire sienne une façon de concevoir l’acte de lire et son évaluation.

Mais encore faut-il se demander si les concepteurs de tests ont véritablement une conception de la lecture car il n’y a rien qui ressemble plus à un test normatif qu’un autre test normatif. Les auteurs semblent souvent se guider non pas sur une définition du processus de lecture mais sur les tests déjà publiés.

Ainsi, pour l’évaluation au premier cycle, on peut s’attendre à trouver une séquence de sous-tests gradués, allant de la lettre à la syllabe. Puis au mot et à la phrase. On verra apparaître presque inévitablement des syllabes simples, suivies de syllabes complexes (dr…, br…, cl…). Et de sons complexes également (oin, an, in).

Ces évaluations sont un exemple typique de la conception « bottom-up » de la lecture. Cette conception postule que le lecteur part d’éléments simples pour aller vers des éléments complexes.

Comment évaluer les lecteurs plus avancés ?

Quant à l’évaluation des lecteurs plus avancés, on utilise ordinairement la méthode des choix multiples, après la lecture d’un paragraphe. Le problème, dans ce genre d’évaluation, est que le lecteur ne découvre le but de la lecture que lorsque les questions sont posées. C’est-à-dire lorsque la lecture est terminée.

En plus, ces tests commencent toujours par évaluer la compréhension littérale avant la compréhension interprétative (quand ils ne s’en tiennent pas exclusivement à la com¬ préhension littérale). C’est une perte de temps que de procéder systématiquement à l’évaluation de la compréhension littérale : on ne devrait y avoir recours que lorsque la compréhension interprétative semble défectueuse.

Bref, les tests normalisés peuvent avoir à révéler l’éventail des compétences en lecture d’une classe mais leur utilité est très limitée du fait que les résultats ne peuvent être traduits sous forme de stratégies d’enseignement.

ÉVALUATION INFORMELLE

Depuis toujours, les enseignants utilisent l’observation pour évaluer l’habileté à lire de leurs élèves et pour adapter ensuite leur enseignement à leurs besoins. Cette évaluation se fait la plupart du temps dans le cadre des activités régulières de la classe, au cours des activités d’apprentissage.

Certains auteurs parlent d’évaluation par-dessus l’épaule car elle se fait très souvent lorsque le professeur circule parmi les pupitres et s’arrête pour observer un enfant en train de travailler. Les enseignants doivent aussi être encouragés à continuer d’utiliser ce genre d’évaluation. Une observation attentive et structurée permet de déterminer les intérêts du lecteur, d’identifier ses stratégies et de lui proposer des textes appropriés.

Une des situations d’évaluation informelle les plus pertinentes est celle du tête-à-tête avec l’enfant. Ces rencontres, qui peuvent durer de 4 à 6 minutes, tous les 5 ou 10 jours, sont importantes pour l’enfant qui apprécie que son professeur lui consacre du temps individuellement.

Même si elles sont brèves, ces rencontres sont précieuses si l’on veut mieux saisir les habiletés de l’enfant et les stratégies qu’il utilise, se tenir au courant des livres qu’il lit et voir comment il conçoit la lecture. Il ne s’agit pas, pendant cette rencontre, de faire de l’enseignement individualisé, il s’agit plutôt d’identifier les besoins de l’enfant pour pouvoir lui fournir par la suite des situations d’apprentissage appropriées.

Ordinairement, la rencontre tourne autour d’un livre que l’enfant a lu. Le professeur écoute d’abord ce que l’enfant a à lui dire sur son livre.

Il peut ensuite écouter l’enfant lui lire un passage du livre. Il peut également lui poser des questions sur le thème du livre, les caractéristiques des personnages, etc. Voici une liste de questions dans laquelle vous pouvez puiser pour discuter du livre lu par l’enfant.

1. Pourquoi as-tu choisi ce livre ?

2. Quelle sorte d’histoire est-ce ?

3. Quelle partie as-tu préférée ? Pourquoi ?

4. Y a-t-il une partie que tu n’as pas aimée ? Pourquoi ?

5. Est-ce que c’était un bon livre pour toi ? Pourquoi ?

6. Est-ce que c’était un livre difficile, facile ou juste comme il faut ? Qu est-ce qui te fait dire cela ?

7. Quelles sont les choses les plus importantes que tu as apprises ? (documentaire) ?

8. Quelle est l’idée principale du livre ?

9. Qu’est-ce que le livre veut t’enseigner ?

10. Comment l’histoire finit-elle ?

11. Qui sont les personnages principaux de l’histoire ?

12. Quel personnage as-tu aimé le mieux ? Pourquoi ?

13. En quoi les personnages se ressemblent-ils ? En quoi sont-ils différents ?

14. As-tu aimé ce livre plus ou moins que ton dernier livre ? Pourquoi ?

15. Es-tu d’accord avec l’histoire ?

16. Qui, d’après toi, aimerait lire ce livre ?

17. Si tu pouvais parler à l’auteur, qu’est-ce que tu aimerais lui demander à propos de I histoire ?

Après la rencontre, le professeur note brièvement les éléments importants qu’il a relevés. L’enfant, lui, note dans son cahier les livres qu’il a lus ainsi que les commentaires qu’ils lui ont inspirés.

L’ANALYSE DES MÉPRISES

Pendant longtemps, l’évaluation en lecture est restée presque exclusivement centrée sur l’exactitude, sur la précision du déchiffrage. On s’attendait à ce que l’enfant lise exactement ce qui était écrit. Toute déviation était considérée comme une erreur, comme une faiblesse du lecteur.

Par ailleurs, les premières analyses des méprises ont été effectuées par Goodman (1969), qui s’est servi des données recueillies dans les lectures à haute voix d’enfants de tous les niveaux scolaires pour élaborer son modèle de lecture.

Dans cette optique particulière, plus le lecteur est habile, moins il utilise d’indices visuels (indices graphophonétiques) et plus il se fie aux indices cognitifs (la syntaxe et le sens). En plus, le lecteur émet continuellement des hypothèses sur les mots à venir : il utilise pour ce faire ses connaissances de la langue et ses connaissances sur le réel.

L’exactitude en lecture perd donc la place privilégiée qu’elle occupait au profit de la compréhension. À la faveur de l’approche psycholinguistique, on a vu apparaître une nouvelle conception de l’évaluation en lecture.

Deux principes rendent assez bien compte de cette nouvelle orientation.

  1. La gravité des méprises est plus importante que la quantité.
  2. On aurait avantage, souvent, à interpréter certains problèmes apparents de décodage en terme de bonne ou mauvaise utilisation du contexte.

Si Ton observe un enfant qui substitue un mot à un autre, on peut penser qu’il ne connaît pas le mot qui est écrit. Mais la raison de cette méprise peut être que le lecteur cherche à comprendre le sens du message. Il ne s’arrête pas à la structure de surface. Par exemple ; un lecteur peut lire II était une fois au lieu de II y avait une fois, sans changer le sens de la phrase.

Goodman rapporte par exemple que le bon lecteur débutant substitue souvent un mot-fonction à un autre mot-fonction :

Exemple : Les enfants sortent de leur maison.

Les bons lecteurs omettent également des mots-fonctions qui ne sont pas indispensables :

Exemple : Le géant est très fatigué.

De plus, ces lecteurs insèrent parfois des mots-fonctions optionnels :

très

Exemple : Dinomir est très content.

À propos des ajouts et des omissions, D’Angelo et Wilson ont analysé 100 protocoles de tests de lecture. Le but est de déterminer l’importance de ces types de méprises. Les résultats ont révélé qu’il n’y avait dans les lectures que 6 % d’ajouts et 7 % d’omissions par rapport à l’ensemble des méprises.

De plus, une analyse plus détaillée a montré que moins de 3 % des erreurs totales sont des ajouts ou des omissions. Ils changent le sens ou la syntaxe de la phrase. Goodman rapporte même que les ajouts et les omissions qui ne modifient pas le sens ou la syntaxe augmentent avec l’habileté en lecture.

Vous avez pu constater que l’analyse des méprises se distingue nettement de la classification traditionnelle des erreurs. Elle tient compte des stratégies qui ont produit les méprises. Elle juge également l’importance d’une méprise par rapport à son impact sur la compréhension.

Questions pour l’évaluation de la lecture au primaire

L’analyse des méprises s’attache plus au type de méprises qu’à leur quantité. Les lecteurs qui essaient de trouver du sens produisent un plus grand pourcentage de réponses sémantiquement acceptables, quel que soit le nombre de méprises.

Y. Goodman (1980) propose trois questions à poser pour évaluer chacune des phrases du texte lu.

1. Est-ce que la phrase produite par le lecteur est compatible avec le contexte de toute l’histoire ?

OUI (O) Lorsque la phrase produite par le lecteur est acceptable.

NON (N) Lorsque la phrase produite est inacceptable.

2. Quel est le degré de changement de sens causé par les méprises produites par le lecteur ?

NON (N) Lorsque la phrase produite par le lecteur ne change pas le sens de l’histoire.

PARTIEL (P) Lorsque la phrase produite par le lecteur est compatible avec l’histoire ou ne néglige que des incidents, personnages ou séquences mineurs.

OUI (O) Lorsque la phrase produite par le lecteur est incompatible avec l’histoire ou néglige des incidents, personnages ou séquences majeurs.

3. En comparant la méprise de type substitution avec le mot du texte, quel est le degré de ressemblance graphique entre le mot du texte et le mot produit par le lecteur ? (les 20 premières substitutions seulement)

ÉLÈVE (É) Il y a un degré élevé de ressemblance si deux des trois parties du mot sont semblables : le début et le milieu ; le début et la fin ; le milieu et la fin. (Ex: campagne — compagne)

PARTIEL (P) Il y a un degré partiel de ressemblance si une des trois parties du mot est semblable : le début, le milieu ou la fin. (Ex. : partie — parmi)

NUL (N) Il n’y a aucun degré de ressemblance si toutes les parties du mot sont différentes. (Ex. : beau — joli).

Conclusion

Par évaluation traditionnelle, nous entendons la mesure de la lecture à haute voix dans une situation individuelle. On peut relever deux problèmes inhérents à la technique même de l’évaluation de la lecture à haute voix . Le premier est de juger si oui ou non il y a erreur de lecture. Et le deuxième de décider à quelle catégorie appartient l’erreur.

Laisser un commentaire