Pédagogie

Les 5 principes de la pédagogie ouverte

principes de la pédagogie ouverte

La pédagogie ouverte prétend que les élèves possèdent tous des talents différents qu’il est nécessaire de provoquer dans des situations éducatives. Les principes de la pédagogie ouverte incitent l’enseignant à développer ces talents dans un climat ouvert, souple et diversifié.

Les activités d’apprentissage sont des expériences à vivre, des situations à analyser et à explorer. La liberté et l’autonomie sont les valeurs sous-tendues par ce type de pédagogie.

La pédagogie ouverte et interactive permet un enseignement individualisé, un enseignement qui repose sur le style d’apprentissage propre à l’élève. Nécessairement, un enseignement de qualité doit comporter une dimension importante d’individualisation qui mise sur les potentialités des individus et qui permet le développement de leur sentiment de compétence. L’enseignant se doit de proposer des situations d’enseignement et d’apprentissage suffisamment ouvertes pour que le style propre à chaque élève puisse émerger. Ce type de pédagogie s’appuie sur l’aménagement d’un environnement éducatif diversifié. 

Les principes de la pédagogie ouverte

Les principes de la pédagogie ouverte sont fondés sur une connaissance précise du développement, de la croissance et de l’apprentissage. L’expérience vécue et les apports de la recherche servent de base à la formulation de ces principes et permettent de leur donner une signification précise.

Les principes sont toujours interdépendants et se recouvrent partiellement, car ils traduisent une même conception de l’homme. C’est pourquoi il n’est pas nécessaire de les multiplier indéfiniment.

Le premier principe de la pédagogie ouverte

Toute action pédagogique vise le développement, la croissance personnelle et l’épanouissement de la créativité de chacun des individus engagés dans un processus éducatif.

Les activités de classe n’ont pas de buts en elles-mêmes, elles ne sauraient se suffire. C’est par rapport à une clientèle donnée qu’elles prennent tout leur sens. Les enseignants n’agissent pas non plus pour eux-mêmes, mais bien pour aider les enfants qui leur sont confiés à réaliser leur développement.

C’est à travers des objectifs qu’il faut travailler, et ces objectifs doivent s’exprimer en termes de développement. On peut poursuivre des objectifs à court terme, vouloir faire acquérir des comportements précis, voire mesurables. Mais c’est toujours dans un contexte plus large que l’on doit situer ces mini-objectifs, et ce contexte est celui du développement, de la croissance et de la créativité individuelle.

Il ne s’agit pas de conditionner des enfants. Mais bien d’assurer des conditions qui rendent possible la prise en charge par ces derniers de leur développement. On sait fort bien que tous les individus sont uniques. Et on peut s’attendre à ce que chacun se développe de façon différente. À nous d’assurer à chacun les voies qui lui conviennent mieux. Ces voies facilitent non pas l’uniformité ou la rapidité, mais plutôt une croissance intégrée et optimale.

La créativité

Une telle croissance se traduit chez l’individu par une créativité améliorée. C’est-à-dire une plus grande conscience et une meilleure utilisation de ses possibilités. Être créateur, c’est avant tout une façon d’être, de penser, et de travailler. C’est aussi une attitude face à soi, face aux autres et face à la réalité.

Être créateur c’est utiliser au maximum les propriétés de son organisme. Ces propriétés disparaissent souvent au fur et à mesure que l’école et la société les empêchent de fonctionner.

Permettre le développement et la croissance d’un individu, c’est avant tout révéler l’individu à lui-même et lui permettre de se découvrir différent des autres et de progresser dans cette découverte de lui-même. C’est permettre à chacun de se donner une cohérence qui lui est propre et de construire des modèles intérieurs qui lui permettent de mieux rendre compte de la réalité dans laquelle il vit et de s’y intégrer totalement.

A) Autoapprentissage

En somme tout humain, grâce aux propriétés de son organisme, ne peut être qu’en autoapprentissage dans un environnement donné. C’est dans ce contexte qu’il peut dégager des significations qui lui permettent de se transformer, et de s’utiliser davantage. Le développement se fait toujours dans le sens d’un changement de signification par rapport aux éléments du milieu ou par rapport à soi-même. L’école devrait être un lieu privilégié de croissance. Elle peut permettre à chacun de réaliser ces changements de signification à partir de ses expérience.

Comment simplifier le processus de l’auto-apprentissage ?

Dans toute situation de développement, on retrouve à la fois l’individu et son environnement. Il y a d’une part l’image, la compréhension qu’un individu a de lui-même, et celle qu’il a de l’univers où il vit. On pourrait simplifier ce processus de la façon suivante :

Autrement dit, tout humain possède à un moment ou à un autre des modèles d’explication de lui-même et du monde environnant. Ces modèles plus ou moins complets lui permettent de rendre compte de ce qui l’entoure, et de ce qu’il vit.

Lorsqu’il ne peut comprendre, il doit chercher de l’information, dégager de nouveaux éléments, les traiter, et réorganiser ses perceptions antérieures. Cela lui permet d’exprimer une nouvelle organisation intérieure et ainsi il peut comprendre de nouveaux éléments qui jusque-là lui échappaient. Il y a toujours des éléments qui entrent chez l’individu (in put), une façon de les traiter (Processus), et des éléments qui en sortent (out put) qui sont les indices de cette structure interne qui les a produits.

Tout développement se fait dans un tel contexte, et personne ne pourrait s’y substituer de l’extérieur au risque d’annuler le développement et la croissance. Le développement est donc une affaire personnelle, continue, qui se réalise dans le temps. Directement, on ne saurait accélérer le développement. Il est cependant possible d’améliorer le milieu pour qu’il devienne plus stimulant.

La place de l’enfant :

L’enfant doit être l’agent principal de son développement. Il doit pouvoir prendre des décisions importantes. Cela lui permet d’être pleinement responsable de ses apprentissages et cesser d’être un simple récepteur passif qui exécute de l’extérieur. Ceci ne veut pas dire que le maître doit se retirer pour laisser l’enfant faire ce qu’il veut. Le maître a la responsabilité d’organiser un environnement éducatif qui va permettre cette prise en charge. Il a aussi la responsabilité d’intervenir pour supporter et faciliter cet apprentissage.

b) Autonomie et indépendance

On ne saurait parler d’apprentissage et de développement authentique sans parler d’autonomie et d’indépendance. Bien sûr on pourrait nous reprocher de fabriquer des individualistes incapables de vivre dans une société. Il faut se rappeler que tout ce qui se passe dans une classe se passe dans une collectivité. De plus, l’apprentissage de l’autonomie et de l’indépendance ne sauraient se réaliser que dans ce contexte, et particulièrement grâce à l’apport des pairs.

L’autonomie et l’indépendance impliquent la capacité de gérer les actes importants de sa vie. Il s’agit des apprentissages ou des modalités liées à l’organisation de sa vie.

Qu’on parie de gestion démocratique ou d’autogestion, il s’agit toujours de redonner aux individus le pouvoir de décider ce qui concerne la conduite de leur vie.

Les enfants ont la capacité, et l’expérience l’a démontré, de décider de leurs objectifs, de planifier leurs activités, de les exécuter et de les évaluer’. Le rôle de l’éducateur est avant tout de les aider à le mieux faire. Les enfants ont aussi la capacité de faire des choix importants pour eux, de décider et d’assumer les responsabilités qui découlent de leurs choix. Ils peuvent donc prendre des initiatives et les conduire à bonne fin.

Autrement, il faudrait accepter qu’ils en sont incapables. Et alors, nous devrions le faire à leur place et accepter de nous développer à leur place.

c) Climat favorable

La découverte ou la redécouverte de sa créativité, instrument premier du développement. La croissance ne peut se réaliser que dans un climat favorable dont le maître a l’entière responsabilité. En effet, on imagine mal qu’un individu devienne créateur dans un climat de crainte, de peur et de non-confiance. Les pressions et la conformité sont les deux principaux ennemis de la créativité. Seul un climat fondé sur le respect mutuel et la confiance en autrui, la collaboration et la participation de tous, peut permettre un développement harmonieux.

d) Liberté et sécurité psychologique

Sans un climat de liberté psychologique, qui permet à chacun d’exprimer son monde intérieur et sa compréhension de l’univers, personne ne saurait assumer sa créativité.

Pour y arriver, il faut non seulement cette liberté psychologique, mais encore une sécurité psychologique. Elle garantit que personne ne sera menacé dans son intégrité personnelle pour avoir exprimé profondément ce qu’il est ou avoir pris des directions qui lui convenaient mieux.

e) Motivations intrinsèques

Un tel climat implique la disparition des motivations extrinsèques le plus souvent fondées sur des systèmes de récompenses et de punitions qui ne sont que des formes de conditionnement extérieur à l’individu et aux actes qu’il pose.

La motivation doit être liée à la signification même des actes posés et à leur valeur de développement et de croissance pour l’individu. C’est dans la mesure où les gestes posés assurent une plus grande croissance que l’individu peut les évaluer et désirer s’y engager plus profondément, à cause même des éléments qui lui sont apportés et qu’il intègre à son devenir.

L’évaluation du développement et de la croissance, dans un tel contexte, ne peut être qu’interne, liée à l’individu lui-même et réalisée par lui-même. Le maître a la responsabilité de l’aider dans cette tâche pour qu’il devienne de plus en plus conscient de son développement, et plus habile à s’évaluer.

Le deuxième principe de la pédagogie ouverte

Le développement de processus et d’habiletés, tout comme la démarche d’apprentissage sont aussi importants que les acquisitions qui en découlent.

Plusieurs raisons militent en faveur du développement de processus et d’habiletés plutôt que la simple acquisition de connaissances. Il faut se rappeler que tout individu, plongé dans un environnement, est continuellement stimulé par des éléments de cet environnement. Et pour donner une certaine cohérence à son interprétation du monde, il doit traiter cette information qui lui vient du milieu.

Il s’agit d’accommoder ses schèmes intérieurs à la réalité extérieure. C’est à partir de processus mentaux cognitifs, affectifs, ou autres que chaque individu peut effectuer ce traitement de l’information neuve et produire chez lui des changements qui correspondent à ce que l’on peut appeler la connaissance, ou la formation et l’utilisation des concepts. Il va de soi que de telles habiletés intellectuelles sont en soi généralisables. Et qu’on ne saurait les oublier lorsqu’on les a acquises. On peut les utiliser chaque fois qu’on en a besoin, dans n’importe quelle situation.

Les connaissances factuelles

Les connaissances factuelles par ailleurs, ne sont que la résultante de l’utilisation de tels processus, et au rythme où elles s’accumulent et tombent en désuétude. Il devient essentiel de pouvoir participer à l’élaboration de la connaissance plutôt que de se contenter de la consommer. Des auteurs comme Piaget ont bien démontré qu’en définitive, la connaissance, les concepts, ne peuvent qu’être des constructions personnelles.

Il est bien certain que la vie demandera aux individus de savoir résoudre des problèmes complexes pour lesquels aucune solution n’existe et pour y arriver, il vaut mieux posséder des habiletés fondamentales, inoubliables et transférables, que d’avoir appris des faits sans liens avec les problèmes posés. Savoir retourner aux connaissances factuelles pertinentes est d’ailleurs une habileté qui doit être exercée.

Nous nous acheminons vers une conception de l’enseignement où le développement de processus et d’habiletés fait partie des objectifs poursuivis. Ainsi les différentes matières d’enseignement peuvent devenir des instruments pour développer ces processus et habiletés.

Comment se fait la transmission des savoirs?

Actuellement, dans la majorité des classes, la transmission d’une matière à des enfants devient l’objectif premier. Les programmes décrivent davantage des contenus et différents aspects de ces matières scolaires. Il est préférable de poursuivre des objectifs de développement, les matières scolaires, les activités et les différentes interventions des maîtres devenant des moyens pour atteindre ces objectifs de développement.

De tels objectifs s’expriment le plus souvent en termes de processus et d’habiletés que l’enfant doit utiliser pour réaliser son développement. Les connaissances décrites par les programmes sont acquises, mais par une autre voie.

Il s’agit en fait de tout un courant de pédagogie organique, par opposition à une pédagogie mécaniciste. Il fait appel aux propriétés mêmes de l’organisme. De plus, l fait reposer l’apprentissage sur ces propriétés plutôt que sur des événements ou des agents extérieurs. Cette fois c’est la « STRUCTURE DE TRAITEMENT » du réel qui est en cause, l’organisation interne des données. Et non les résultats accidentels de cette démarche.

Affectif et cognitif

Il faut aussi souligner que dans une pédagogie centrée sur le développement de processus et d’habiletés, il est essentiel de retrouver les liens qui existent entre le cognitif et l’affectif. Aucun apprentissage ne peut se réaliser à un seul niveau. Il y a toujours un aspect énergétique ou dynamique. Il réside dans l’intérêt et dans la dimension affective de l’apprentissage. Et un aspect structural, organisateur, qui correspond à l’aspect cognitif. Tout apprentissage doit permettre de retrouver ces deux pôles trop souvent dissociés dans la réalité.

Comment relier les deux pôles ?

Une façon de relier ces deux pôles, c’est de faire travailler les enfants sur des problèmes et des réalités qui leur appartiennent, et de leur permettre de s’engager de façon autonome dans des directions qu’ils peuvent déterminer.

Chaque fois qu’un enfant est personnellement engagé dans la situation d’apprentissage, chaque fois que l’apprentissage le conduit à des dégagements de significations nouvelles face à lui et face à l’environnement dans lequel il vit, on retrouve les liens organiques qui existent entre le cognitif et l’affectif.

Ainsi, si l’on enseigne la lecture, on a la responsabilité non seulement de l’apprentissage de la lecture, mais aussi des attitudes positives ou négatives qui seront développées à l’égard de la lecture. Si des enfants en viennent à ne plus lire parce qu’ils n’aiment pas lire, on peut penser que l’enseignement a oublié de tenir compte des aspects affectifs qui doivent accompagner un tel apprentissage.

Le troisième principe de la pédagogie ouverte

L’enseignement doit être individualisé pour répondre aux caractéristiques individuelles et aux conditions de milieu de chacun des enfants.

C’est un lieu commun de rappeler que l’enseignement doit s’adapter à chaque enfant ou à chaque groupe d’enfants. Est-il nécessaire de rappeler que les enfants ont des besoins et des intérêts particuliers. Tout simplement, ils viennent de milieux fort différents ? Toutes les écoles ne sont pas dans les mêmes régions, et les clientèles varient. Pourtant il est fréquent de constater que tous les enfants à l’école élémentaire, quel que soit leur milieu, quelles que soient leurs caractéristiques de fonctionnement individuel, sont soumis à des traitements uniformes. Le plus souvent ces traitements sont déterminés à l’avance par des manuels scolaires préfabriqués. Ils imposent à tous une même procédure coupée de la réalité.

Individualiser l’enseignement

On parle beaucoup d’individualisation de l’enseignement et de progrès continu. Mais la conception qu’on en a semble souvent réduite à sa plus simple expression. Dans la majorité des classes, individualiser signifie encore qu’on présente la même matière à tout le monde, de la même façon, avec les mêmes séquences et les mêmes exercices, en faisant appel aux mêmes procédures et aux mêmes habiletés. On part du même point chez tous, pour aboutir au même résultat.

La réalité demeure absente et le matériel de travail demeure artificiel. On n’a qu’à se rappeler comment commence l’enseignement de la lecture en première année. Et comment il se fait, et comment on l’évalue. L’individualisation se réduit à une question de vitesse ou de rythme individuel. Il arrive que l’on retrouve des fiches, des étapes, ou d’autres procédés du même genre. Mais dans tous les cas, on a mis en petites unités les mêmes choses, de la même façon. Pour beaucoup d’enseignants, individualiser peut vouloir dire travailler seul, ou travailler quand on veut. Pourtant la nature des activités et des habiletés utilisées par les enfants n’a pas changé. Il n’y a toujours qu’une seule façon d’apprendre, celle qui a été prévue.

individualisation: Hyman

Hyman signale que dans une individualisation de ce type on maintient le statu quo, en ne changeant rien de fondamental. On ne change rien non plus au contexte dogmatique, et autoritaire, car le maître demeure une fois de plus tout-puissant. Il ne fait que s’interposer entre l’enfant, la réalité et son apprentissage. En disséquant les tâches et en isolant les enfants dans leur travail, on contribue à la perte du sentiment d’appartenance que peuvent avoir les enfants dans un groupe. On les empêche également de prendre des responsabilités qui désormais leur échappent. L’utilisation des pairs et la richesse des interactions d’un groupe sont aussi perdues. On se condamne à perdre l’imprévisible qui est à la source des apprentissages les plus profonds. On a voulu changer, mais dans les faits on n’a fait que confirmer dans des modalités nouvelles un état de fait peu favorable à l’individualisation.

L’individualisation de l’enseignement ne saurait se réduire à des questions de vitesse ou de rythme ni à une question de travail individuel. Loin d’être liée à des mesures d’uniformisation et de nivellement, implique une plus grande différenciation des individus, et faire intervenir d’autres variables.

Diversité des activités

Ainsi les intérêts des enfants et le contenu des activités sont les premières variables à considérer. Lorsqu’on travaille dans une pédagogie de développement et de processus, il est bien certain que l’atteinte des objectifs peut se faire dans des situations fort différentes, contrairement à ce qui se passe dans une pédagogie d’acquisition mécanique où l’uniformité devient essentielle.

Les moments et les lieux d’apprentissage sont une autre donnée. On peut considérer qu’un enfant n’apprend à lire que lorsqu’il est en contact avec le manuel et avec le professeur. On peut croire par ailleurs qu’il est en apprentissage de la lecture chaque fois qu’il est en contact avec des livres et avec des personnes qui peuvent l’aider à cheminer face à ses difficultés.

Diversification des talents

Les enfants ont aussi des styles de travail fort différents. Les uns apprennent mieux seuls, d’autres en groupes. Certains ont besoin de plus de manipulation ou d’expériences concrètes, d’autres moins, etc. Les moyens et les outils de travail diffèrent aussi. Et bien peu nombreux sont les enfants qui peuvent se contenter des manuels, des cahiers d’exercices et de l’éternel papier-crayon.

Finalement, les talents des enfants varient et toute individualisation de l’enseignement devrait faire en sorte que les différents talents puissent être utilisés dans les différentes activités.

Comment les élèves trouvent – ils leurs voies apprentissage?

Ainsi chacun des enfants pourrait trouver une voie apprentissage qui lui convienne mieux pour réaliser ses apprentissages. Il est bien certain que dans une activité ouverte qui implique un travail de groupe ou un travail individuel, chaque enfant trouvera une diversification des talents nécessaires pour mener à bien les tâches. Et à un moment ou à un autre, il pourra utiliser ses points de force et intégrer à sa façon des connaissances. Chaque talent fait appel à des processus particuliers et à des habiletés spécifiques. Ainsi, la pensée critique fait appel à des processus d’évaluation durant que la pensée créatrice s’adresse davantage à la pensée divergente, à l’imagination et à l’intuition.

Calvin Taylor dans sa « théorie des talents multiples » parle d’un certain nombre de talents auxquels on devrait faire appel dans les activités que l’on propose aux enfants. Il fait référence aux talents suivants :

  • Mémoire
  • Talent académique
  • Pensée critique
  • Une pensée productrice (raisonnement logique)
  • Pensée créatrice (divergence)
  • Planification
  • Prise de décision (évaluation)
  • Prévision
  • Leadership
  • Relations humaines
  • etc…

Rappelons qu’individualiser veut aussi dire permettre à chacun de ces talents de pouvoir s’exercer et de devenir un biais personnel pour apprendre. Dans une telle conception, on fait appel aux points forts de chacun des individus plutôt que de tabler sur leurs faiblesses. On peut penser qu’individualiser de cette façon devrait conduire à une réduction des échecs. Chacun étant placé dans une situation de réussite.

Décloisonnement et intégration

Le simple fait de vouloir individualiser l’enseignement, ou mieux l’apprentissage apporte des conséquences au niveau de l’action quotidienne. Une des premières conséquences se situe au niveau du décloisonnement des enseignements et des espaces. On imagine mal qu’un enseignement puisse être compartimenté, séparant systématiquement toutes les matières, spécialisant le matériel et les outils d’apprentissage. Les situations ouvertes, faisant appel à de multiples talents, surtout si elles sont en liaison avec la réalité, sont suffisamment riches pour devenir prétexte à n’importe quel enseignement.

Certains auteurs parleront d’enseignement informel, ou occasionnel, d’autres parleront d’enseignement intégré. De toute façon il s’agit de trouver un lien organique entre une tâche significative qui engage profondément l’individu, et la maîtrise d’un certain nombre de concepts ou d’habiletés.

Pour certains enseignants il s’agit là d’une utopie, pour d’autres c’est leur pain quotidien. Il faut bien comprendre que les différents savoirs humains sont interdépendants et qu’ils s’interinfluencent. Dans une pédagogie de processus, tout développement dans un domaine ne peut que rejaillir dans d’autres domaines. Trop souvent les connaissances demeurent des mots qui ne trouvent pas de champ d’application et elles s’éteignent rapidement dans l’oubli.

Activités simultanées et diversifiées

L’individualisation implique aussi que les différents enseignements s’ajustent aux différentes clientèles et non l’inverse.

On imagine mal que trente enfants puissent fonctionnent simultanément, de la même façon, durant des périodes de temps identiques, et sur des contenus identiques. On enseigne trop facilement à de grands groupes en se contentant de trouver des moyens d’assurer la discipline. Il nous faut apprendre à réduire les groupes et à les rendre plus mobiles, plus temporaires. Il faut permettre la simultanéité d’activités fort différentes, mais qui répondent aux besoins du moment pour chacun. On doit pouvoir retrouver des moments de travail collectif, mais aussi du travail de petits groupes ou du travail individuel.

Activités diversifiées

Les activités doivent être diversifiées de façon à rencontrer ces talents multiples. La simultanéité des activités permet de rencontrer les modifications souhaitées au niveau du choix du moment de travail, de la durée, de la nature et de la forme du travail. Il est tout à fait pensable que 8 enfants travaillent avec un maître à recevoir des informations ou des explications en mathématiques durant que d’autres sont occupés à réaliser un projet, ou se retrouvent dans différents ateliers.

La seule possibilité d’arriver à cette forme de travail implique une réorganisation de l’environnement. On ne saurait travailler à individualiser l’enseignement si on continue à travailler dans un vacuum. Nos classes sont remarquables par leur absence de matériel. La diversification des activités et du matériel implique une réorganisation de l’espace et du temps. Les horaires doivent changer et se décloisonner, de même que l’aménagement physique de la classe qui doit devenir le témoin le plus direct de ces changements.

Individualiser l’enseignement conduit finalement à retrouver une certaine globalité dans la vie de la classe. Une globalité d’où découlent différents apprentissages qui se retrouvent intégrés. Bien sûr il faut pouvoir évaluer, ou tout au moins rendre compte de ce qui se passe. On ne saurait évaluer une telle démarche de l’extérieur et une fois de plus l’individu qui apprend est le premier concerné. C’est à dire, il doit être le premier responsable de l’évaluation. Le rôle du maître sera précisément de l’aider à faire cette opération délicate. Il lui fournit les occasions et parfois les instruments. L’évaluation n’est pas un moment de sélection, mais bien une partie intégrante de tout processus d’apprentissage. C’est par l’évaluation que l’on peut redéfinir son action et l’ajuster davantage aux besoins. Le maître devra apprendre à s’outiller en conséquence.

Le quatrième principe de la pédagogie ouverte

Tout apprentissage doit s’inscrire dans un circuit de communication, où l’expression et la recherche prennent toute leur signification.

Dans un schème d’apprentissage comme celui que nous avons présenté précédemment, il y a toujours l’individu, avec ses modèles intérieurs qui doivent rendre compte de ce qui se passe à l’intérieur de lui-même et dans son environnement. Ou bien il se trouve dans une situation où ses schèmes intérieurs lui permettent de comprendre, du moins temporairement. Et il assimile le monde extérieur à ses schèmes, ou il ne peut en rendre compte. Et il doit aller chercher de nouvelles informations et de nouveaux éléments dans son environnement et réorganiser ses modèles à la lumière des nouveaux éléments ainsi intégrés ».

On se trouve face à deux pôles interdépendants, qui s’interinfluencent sans cesse, le pôle de l’expression et celui de la recherche. Ces deux processus sont en lien étroit avec l’environnement. Et on imagine mal que la transformation des modèles intérieurs puisse se faire à vide. C’est la manipulation constante de la réalité par ses propres actions. Elle va permettre la transformation constante des structures intérieures de l’individu.

Communication entre l’individu et l’environnement

Il s’agit d’un schéma de communication entre l’individu et l’environnement. Et c’est dans ce contexte que se réalisent les différents apprentissages. De plus, il y a toujours un sujet, un environnement et le contact entre ces deux réalités. Il y a toujours un émetteur, un récepteur, et un canal de communication. Le canal permet un ajustement graduel et une meilleure saisie de la réalité et de soi. Cette saisie n’est jamais totale, ni du côté de l’émetteur ni du côté du récepteur. Il faut aussi rappeler que nous sommes à la fois récepteur et émetteur.

Dans le cas des apprentissages d’ordre technique, ou des apprentissages de base, comme la lecture et l’écriture, ce mécanisme de communication est encore plus important. La lecture et l’écriture sont avant tout des outils de communication et ils doivent être utilisés comme tels. L’essentiel d’une telle communication repose sur la transmission et la réception d’un message. Et le message est tout aussi important que le code qui le véhicule. L’enseignement de ces techniques devrait se situer dans un schème de communication. Il est impensable d’en faire un apprentissage purement technique. Par ailleurs, l’émission et la réception d’un message sont indissociables. Et l’enfant doit apprendre à manier les deux simultanément comme il l’avait fait dans le cas de l’apprentissage du langage oral.

Le cinquième principe de la pédagogie ouverte

Dans tout apprentissage, il faut garder contact avec le réel, que ce réel soit lié à l’individu ou à l’environnement.

Toute connaissance doit s’intégrer profondément dans l’individu, et dans la réalité. L’environnement intérieur et extérieur sert de médiation entre la « structure de traitement » de l’individu, ses processus organiques, et les connaissances qui s’en dégagent.

Des apprentissages intégrés peuvent se réaliser chaque fois que l’humain est appelé à traiter des problèmes réels ou à exprimer ce qui se passe à l’intérieur de lui-même ». Le rôle de l’enseignement est avant tout d’assurer la pertinence des situations et le contact avec le réel. C’est en définitive une responsabilité d’organisation de l’environnement éducatif qu’a l’éducateur. Il ne s’agit pas d’enseigner, mais plutôt d’organiser un environnement riche et stimulant qui rendra possible l’apprentissage.

Une telle organisation implique une diversification du matériel, des situations et des activités pédagogiques. La mobilité et la souplesse de l’environnement sont des critères essentiels. On doit s’attendre à voir apparaître de nouvelles ressources matérielles et humaines, et un changement marqué de l’organisation pédagogique. C’est au niveau de l’aménagement, de l’utilisation de l’espace et du temps, tout comme dans la nature même des activités, que l’on peut constater les changements.

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